Ronald Laing et la critique de la psychiatrie. Folie, science, citations

Article publié le 31/05/2018


« Psychiatres et patients sont trop souvent rangés dans des camps opposés. Nous sommes aux antipodes avant même de nous rencontrer » (Ronald Laing, Sagesse, déraison et folie, 1985)

 


Psychiatre britannique réputé pour son anticonformisme sauvage, son alcoolisme et ses critiques assassines contre sa propre corporation, Ronald Laing (1927-1989) fut un dissident flamboyant, un renégat de la science qui employa toute son intelligence à dynamiter la psychiatrie académique. A côté de ses écrits, le livre noir de la psychiatrie passerait presque pour une comptine infantile et sucrée.


Au vu de ses apports théoriques sur la folie, la science et l’expérience, Ronald Laing peut raisonnablement être indexé comme pape de l’antipsychiatrie. Au travers de ses développements, le lecteur découvre avec une joie effarée mille ans d’impertinence philosophique compactée sous une plume alerte et adroite. Faire de Ronald Laing le Bukowski de la psychiatrie serait une erreur flagrante : ici, l’obscénité réside chez les praticiens aux mains propres, ces psychiatres qui font tourner leur discipline en rond et qui abandonnent symboliquement leurs patients à leur sort.


Ronald Laing eut une belle renommée à la fin des années 60, notamment en France, mais il coupa lui-même les amarres. Fuite étonnante en Asie, déboires personnels…

 


Scandale et citations

 


Il y a près de 40 ans, déjà, Claude Fischler pointait son sourcil sardonique et ses « éclats de rire d'une grande gaminerie » ; après deux décennies d’imprécations acides contre la psychiatrie de papa, l’homme avait acquis la réputation du génie démentiel. La plupart du temps, ses remarques pouvaient amuser par leur exagération carabinée :


« Un fait scientifique n’a pas forcément à faire l’objet d’une expérience » (Ronald Laing, La voix de l’expérience, 1982)


« Toutes les expériences sont des exemples d’expérience, mais l’expérience n’est pas elle-même une expérience » (Ronald Laing, La voix de l’expérience, 1982)


Pourtant, certaines eurent la grossièreté de tomber juste, ce qui coalisa contre lui nombre de gardiens du temple.


« Une institution médicale n’est pas un lieu propice à la liberté de pensée et d’expression » (Ronald Laing, Sagesse, déraison et folie, 1985)


« Notre façon d’examiner un patient pour élucider les signes et les symptômes de son état mental est une bonne manière de le rendre fou, ou encore plus fou » (Ronald Laing, Sagesse, déraison et folie, 1985)


Ou encore :


« L’objectivité totale s’interdit toute explication possible de l’expérience » (Citation Ronald Laing, La voix de l’expérience, 1982)


« Nous ne pouvons pas mesurer une humeur ni compter des qualités » (Ronald Laing, La voix de l’expérience, 1982)


De nombreux psychiatres soutinrent longtemps Ronald Laing pour son anticonformisme rafraichissant, pour sa façon d’emboutir les fondations granitiques de la discipline au bélier. Ronald Laing ne prenait ni gants ni précautions, il « raisonnait sans capote », en artiste passionné, en créateur. Soit, ses filets brassaient beaucoup de vase, mais ils ramenaient force poissons… La corporation ne fut pas en mesure de faire un tri raisonnable de sa pensée, et on l’oublia progressivement.