La crise du féminisme - wokisme, psychologie, avortement

Article publié le 12/03/2025

Le féminisme n’a jamais été un phénomène monolithique. Des clivages vertigineux divisaient déjà ses partisanes au cours des années 70. Pour autant, la scène actuelle semble plus inquiétante : des courants néo-féministes assument désormais de mettre en sourdine leur lutte contre le patriarcat dès que celui-ci émane de cousins intersectionnels. Certaines ne l’avouent pas quand d’autres l’assument sans problème de conscience.


En clair, la question de la race met au jour certains ressentis profonds qui dépassent la stricte inclination féministe. Cette réalité étant peu avouable, et encore moins justifiable sur le plan de la raison dialectique, de nouveaux systèmes d’arguments ont émergé pour justifier de telles attitudes. Ceux-ci s’abreuvent abondamment à la fameuse source « woke ».

Ce terme polémique, surinvesti par la droite, n’est pourtant pas sans ancrage concret : il décrit tout un système d’attitudes, d’inclinations et de préférences philosophiques au carrefour des anciennes luttes marxistes, tiersmondistes, écologiques et féministes. L’épithète intersectionnelle permettant d’agréger les unes aux autres des théories qui pourraient en réalité se faire concurrence. Soit, Jean-Marie Domenach rappelait avec bonheur en 1981 :


« Et que la partie, d’une certaine façon, soutienne le tout, cela ne vaut-il pas le mystère de la Sainte Trinité ? » (Enquête sur les idées contemporaines, 1981)


De jeunes consciences naturellement pleines d’idéal risquent souvent la sortie de route en épousant cette cause intersectionnelle (résurgence de l’antisémitisme sous étiquette de lutte pour les peuples du sud notamment). A défaut de complexité intellectuelle, on s’érige pour des symboles clairs, charismatiques, et les élans du cœur font le reste.


Il est juste de s’indigner, mais plus juste encore d’appréhender l’injustice au-delà des faux-semblants éventuels. Prenons ici la question philosophique de l’avortement, transformée en simple lutte morale « pour » ou « contre ».


Comment dépasser les éternels clivages concernant le débat sur l’avortement ? Si nous devons collectivement assumer le fait que deux camps apparemment irréconciliables se confrontent sur la question, cette situation n’est pas nécessairement gravée dans le marbre. Ainsi, des éléments transversaux pourraient permettre de faire évoluer les lignes, d’un côté comme de l’autre.


En premier lieu, la question des battements du cœur du fœtus : certains pourraient envisager d’accepter intellectuellement l’option de l’IVG, jusqu’au moment où le battement de cœur du fœtus est médicalement constatable (en toute logique, si la mort intervient faute de pouls, l’activité de celui-ci signifie la vie). Or, l’on constate que les délais d’IVG ne prennent pas directement en compte ce paramètre.


Pour aller plus loin dans cette réflexion, je vous encourage vivement à lire les lignes qui suivent, issues d’un livre religieux passionnant intitulé "Raisons de Dieu, preuves de l'Eglise: Encyclopédie apologétique" (sorti en 2024)

 

« Si on écoutait les opposants à l’avortement, on tricoterait des brassières aux spermatozoïdes »


Guy Bedos peut faire mouche, il n’est pas interdit de le reconnaître… Trop de catholiques se justifient par l’insulte et la haine contre les partisans de l’IVG ; comme nous le rappelle l’affaire Galilée, on peut avoir raison sur le fond mais se tromper dans la démonstration.
Hors polémique, il est possible de défendre rationnellement la position de l’Eglise vis-à-vis de l’avortement.

Il suffit d’énumérer quelques remarques logiques, en se gardant d’utiliser la "reductio ad hitlerum" si chère aux deux camps qui s’affrontent sur la question.


-L’activité cardiaque apparaît à environ quatre semaines chez le fœtus ; c’est à ce stade qu’il pourrait être légitime de parler de vie, puisqu’on constate la mort de quelqu’un au fait que son cœur ne bat plus. Or en France, l’avortement est légal jusqu’à 14 semaines, ce qui signifie que pendant dix semaines, la loi nationale considère qu’il n’y a pas vie malgré les battements du cœur. Il s’agit d’un non-sens objectif.


-En 2011, un blogueur spécialiste des question économiques s’étonnait lucidement : « Par quel miracle, en France, l’embryon était-il un être humain à partir de 10 semaines, puis à partir de 12 semaines lorsque la loi fut modifiée en 2001 ? » … En juin 2019, rebelotte : la vie est de nouveau repoussée d’un cran, à 14 semaines, sans la moindre justification scientifique (après un vote au Sénat lors d’une séance nocturne et dépeuplée !).


Comment ne pas, à tout le moins, s’interroger sur la validité éthique d’une telle situation ? Par quel miracle, en effet, peut-on décider d’un coup que "ce qui" était vivant dans l’après-midi (fœtus de 12 semaines) ne l’est plus le soir-même après un vote ? Par quelle rigueur morale justifier une telle aberration logique ?  Devant ces incohérences manifestes, il est légitime que l’Eglise reconnaisse statutairement la vie en amont de toutes les législations nationales, dès la conception.


En effet, l’Eglise ne serait plus l’Eglise si un quelconque pays reconnaissait l’existence sacrée de la vie avant elle sur le calendrier biologique. Son rôle, son devoir spirituel étant justement d’annoncer le vivant au-devant de toute institution. Rien que pour ces raisons, il est naturel que l’Eglise soit hostile à l’avortement : les lois nationales n’offrant nul accord commun quant à l’origine de la vie, comment arguer de la vérité scientifique contre l’Eglise ?


Très concrètement, nous en sommes là : à tant de semaines, vous êtes un être humain dans un pays ; vous passez la frontière, vous ne l’êtes plus. Face à une telle absurdité, l’Eglise est en droit de défendre un autre positionnement. Un positionnement clair, cohérent, où l’entrée de la vie échappe au calcul. Sans compromis. Sans tricherie.


-Le fœtus en formation est comparable à homo erectus, homo habilis et aux ancêtres d’homo sapiens (l’homme au stade présent) : sans eux, qui serions-nous ? Avons-nous droit d’affirmer qu’ils n’étaient pas déjà vivants, lointains ancêtres de nous-mêmes, et pourtant sujets d’aucun droit ?


- Un jour, le philosophe Umberto Ecco a fait remarquer qu’il est contradictoire, chez les personnes de gauche et les écologistes, de reconnaître la vie en chaque plante ou végétal, et dans le même temps la dénier au fœtus muni d’un cœur qui bat. On pourra toujours clamer qu’un bourgeon n’est pas une fleur mais, les yeux dans les yeux, qui osera dire qu’un bourgeon, ce n’est pas déjà la vie ?

 

Extrait de "Raisons de Dieu, preuves de l'Eglise: Encyclopédie apologétique"


Pour aller plus loin : Jean-Marie Domenach, "Enquête sur les idées contemporaines"

 

Pierre-André Bizien