Entreprises et croissance: la méthode Singapour

Article publié le 20/06/2024

Comment, en quelques décennies, la minuscule cité-Etat de Singapour a-t-elle pu devenir l’un des géants économiques de la planète ?


Les chiffres sont implacables : depuis son indépendance en 1965, le revenu moyen des habitants de Singapour est passé de 512 dollars à 56.000 aujourd’hui, soit une multiplication par 109 de ce revenu en 50 ans : en cet infime laps de temps, Singapour a troqué le développement humain jordanien pour celui des plus riches citoyens allemands.

 


Listons les facteurs de ce miracle, en évitant d’y projeter nos réflexions morales :

 

-Faible taux d'imposition des sociétés.


-La feuille d’impôt des travailleurs expatriés à Singapour est fantastique : près de deux fois moins d’impôts à payer sur le revenu qu'en France, et un petit mot écrit en anglais au bas de la feuille, « Merci pour votre contribution au développement de la nation ». Cela tranche avec la situation française, où le merci ne vient jamais, et où les contributions fiscales sont autrement plus salées.


- L’Etat fait des chèques sous conditions aux entrepreneurs, pour aide à la productivité. Par exemple, il peut financer pour plus de la moitié votre budget de renouvellement d’équipement informatique. Les patrons sont vraiment choyés par l’Etat.


-Les employés ne bénéficient pas de mesures sociales comme le Smic ou des largesses d’une sécurité sociale garantie : tout le monde est astreint à se dépasser depuis l’école, où d’excellents résultats sont obtenus année après année (enquêtes PISA).


-Une forme de préférence nationale est pratiquée au sein des entreprises : les patrons perçoivent des subventions étatiques s’ils emploient des travailleurs locaux.


-La Banque mondiale place Singapour à la première place mondiale pour le climat des affaires. Près d’un habitant sur six est millionnaire !


-L’anglais est la langue officielle des affaires, ce qui facilite énormément l’attractivité mondiale de Singapour.


-Une exceptionnelle stabilité politique : le pays est dirigé de fait par un parti unique, le PAP. Singapour n’a connu que trois premiers ministres depuis son indépendance en 1965. Le père fondateur de la nation, Lee Kuan Yew, a gouverné des décennies en autocrate ultra-réformiste.


-Cet homme politique a mené à terme le modèle d’un développement paternaliste ultra rapide, mêlant climat libéral des affaires et interventionnisme de l’Etat au bénéfice des patrons et entrepreneurs efficaces.


-L’un des principes de Lee Kuan Yew : « Les idées fausses doivent être combattues avant qu’elles n’influencent l’opinion publique et qu’elles ne créent des problèmes » (Cité dans From the third world to first)


-Ministres et dirigeants de Singapour sont payés extrêmement cher, afin de décourager toute tentation de corruption ; leurs mandats sont soumis l’exigence de résultats très concrets.


-Près de la moitié de la population singapourienne est constituée de migrants (40%). Singapour pratique l’immigration choisie de manière très rigoureuse, afin que tous ceux qui entrent sur son territoire pour travailler contribuent effectivement à la croissance collective.


-Dans les entreprises, les employés travaillent en moyenne au moins 45 heures par semaine, soit dix de plus qu’en France.


-Un climat de sécurité extrême. Des lois scrupuleusement respectées partout. Tout écart est sanctionné.


-Les grèves sont interdites, et les manifestations sont scrupuleusement contrôlées.


-Le management dans les entreprises de Singapour est basé sur l’esprit confucianiste, remodelé localement : obéissance absolue aux directives hiérarchiques, exigence de résultat, et de travail acharné.


-L’Etat accompagne et subventionne les entreprises qui font du bénéfice, afin qu’elles en produisent davantage.


-Le prix à payer de cette prospérité extrême, ce sont les libertés publiques, fortement limitées. La presse est très contrôlée.

 

Olivier Truong

Conférencier en management, accompagnateur de dirigeants

 

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