Emmanuel Macron homosexuel? Fake news, affaire privée ou scandale d'Etat?
Article publié le 09/10/2018
"La vie sexuelle d’Emmanuel Macron, président des Français"
Ainsi pourrait s’intituler le pamphlet que rumine la mythosphère, accompagné de ce discret sous-titre en lettres gothiques : "Les hommes du président". Mythosphère ? Le terme est trop appuyé peut-être, étant considéré l’amas de mystère autour de LA question à mille francs.
Cette sourde question qui excite les arrière-pensées des chroniqueurs politiques, des humoristes et de certains intellectuels. Comment donc formuler cette question sans céder aux facilités de la rumeur, de la curiosité paillarde et complotiste du Gaulois ordinaire ?
Sans doute en posant les mots franchement : Macron est-il homosexuel ? Pourquoi un tel questionnement ne passe pas ? Le président n’est-il pas marié à une femme, bien réelle, bien présente à ses côtés ? Oui certes, mais les mauvaises langues ajouteront : une femme qui fut son professeur, une femme de plus de vingt ans son aînée, une femme d’une immense distinction et d’un cœur majestueux.
Et puis, on a tous vu ces photos dérangeantes… cette sudation abondante aux côtés de jeunes gens vigoureux, aux Antilles, en 2018 – eau de pluie cependant. Emmanuel Macron s’était arrêté, avait planté son regard ardent dans les yeux d’un ancien braqueur, et lui avait parlé comme un père, sans verbiage politicien, implorant qu’il se réveille pour son avenir, pour sa mère. Le moment aurait pu être enregistré comme magnifique, d’une vérité mystique malgré la forêt de micros et de caméras alentour.
Au contraire, la presse avait immédiatement persiflé, on avait tous vu le doigt d’honneur (on se rappellera du proverbe : l’imbécile qui se contente de regarder le doigt), l’accoutrement dénudé, les muscles luisants contre la blanche chemise présidentielle. Et puis, il y avait eu cette petite remarque, qu’Emmanuel Macron avait lancée sans calcul : « t’es costaud comme tout ». A bout portant. On avait fait le lien avec ces danseurs dénudés invités à l’Elysée, quelques mois plus tôt…
Les fragments cumulés commencent à dépasser Jupiter. Mois après mois, le président Macron semble victime d’une rumeur grossissante, menaçant d’éclater et de muter en scandale d’Etat : il serait bien homosexuel. Déjà, l’affaire Benalla avait réveillé les soupçons. Ce jeune homme solide, si proche du président, si propre et si mauvais garçon "en même temps"…
Plus subtilement, d’autres évoqueront la distinction du jeune président, la mise si nette, le ton si juste, le sens du détail si développé… si rares chez un homme. Quelle que soit la vérité intime d’Emmanuel Macron, son éventuel secret, d’autres avertiront : vie privée, vous connaissez ? Laissez donc le président tranquille, on se fiche de savoir s’il suce des sucres d’orge.
La question de l’homosexualité d’Emmanuel Macron, derrière sa vulgarité première, ne serait pas si triviale s’il s’avérait qu’effectivement… Pourquoi ? Parce qu’en ce cas on parlerait de mariage de couverture, de tromperie concertée d’un peuple pour accéder au pouvoir, etc. On parlerait d’insincérité, de mauvais signal pour tous ces jeunes qui se découvrent homosexuels et qui hésitent entre raser les murs, mentir sur leur situation, ou assumer franchement leur propre orientation.
Personne n’a le droit de juger Emmanuel Macron sur sa sexualité, qu’elle soit homosexuelle ou hétérosexuelle. L’exigence de transparence démocratique a parfois d’odieux aspects lorsqu’elle touche à cette sphère intime. Le questionnement intellectuel est cependant légitime autour du sujet : la cachotterie coquine du président Hollande (avec son casque et le scooter) avait heurté l’œil populaire, souverain officiel de la France.
Aménager certains aspects privés de sa vie en mordant sur les bandes publiques (fait du prince, passe-droit inexplicables, etc…), c’est le risque de justifier l’inquiétude du peuple, d’encourager qu’il demande des comptes, des éclaircissements. Pour autant, une démocratie extrême serait une contradiction dans les termes, étouffant la portion de liberté légitime que tout le monde est en droit d’invoquer. Affaire d’Etat ? Affaire de conscience, confinant à la philosophie.
Pierre-André Bizien